Débat parlementaire sur la réforme territoriale
Jeudi 27 mai 2010
Intervention de Nicolas DUPONT-AIGNAN
Depuis des années, on ne compte plus les colloques et les rapports qui concluent à l’urgence d’une réforme de notre organisation territoriale. On ne pouvait donc que se réjouir à priori de voir le gouvernement prendre à bras le corps le problème.
Car oui, nous le vivons tous comme parlementaire, parfois aussi comme élu local, si la décentralisation a pu ça et là déraper et décevoir, c’est par manque de lisibilité, de simplicité, de transparence et donc d’efficacité.
Pour redonner à la décentralisation sa raison d’être - car on administre mieux de près, sous le contrôle des populations concernées - nous attendions tous le fameux projet de loi.
Malheureusement, la déception est grande. A l’exception du fléchage des élus communautaires, je ne vois ni simplification, ni lisibilité, ni transparence, ni efficacité.
Où est la simplification quand on ajoute une nouvelle strate, la Métropole ? Une métropole qui est une vraie bombe à retardement pour les départements, car elle va les empêcher de jouer leur rôle de redistribution en faveur des territoires ruraux…
Où est la lisibilité quand, justement, on s’attaque - et c’est toute la philosophie d’Edouard Balladur qui a inspiré cette réforme - aux collectivités les plus appréciées des Français, la commune et le département ?
Pourquoi détruire ce qui marche, au tandem commune / département qui structure notre vie locale, qui est le rempart des populations délaissées par les services publics et par l’Etat.
Pourquoi d’ailleurs avez-vous confié à ce tandem la gestion des nouvelles prestations sociales, s’il est si dépassé que cela ?
Il est vital à ce titre que le nombre de Conseillers territoriaux soit suffisant dans les départements les moins peuplés pour maintenir une représentation des territoires ruraux. C’est pourquoi, il faudrait passer à 20 au lieu de 15 comme minimum.
Mais les départements vont bien sûr perdre en efficacité car vous les privez de leur charge de compétence générale et de leur liberté fiscale minimum. Ce faisant, ils deviendront des Etablissements Publics spécialisés, sans aucune marge de manœuvre. Des guichets administratifs. Comme l’a souligné notre collègue Souchet, un jour vous vous demanderez pourquoi les territoires qui sont la richesse touristique, culturelle, agricole de notre pays, dépérissent, et il faudra reconstruire tout ce que vous êtes en train de défaire. Quel gâchis !
L’arrière-pensée concernant le département s’applique aussi au traitement que vous réservez à la commune. Je suis Président d’une agglomération et je sais d’expérience que pour qu’un regroupement fonctionne, il ne doit pas être subi ni déséquilibré. En confiant au Préfet le soin d’imposer l’intercommunalité, vous allez créer plus de problèmes que vous n’en résoudrez !
De même, en exigeant 50% de financement par les communes des projets subventionnés par le Département et la Région, vous allez rendre impossibles des projets vitaux et de qualité. Beaucoup s’inquiètent du dépérissement de l’engagement électif et civique. Mais, c’est justement cette bureaucratisation, cette complexification, cet embrigadement qui vont encore plus décourager les vocations. Je ne crois pas que la fausse bonne idée des Conseillers territoriaux va résoudre cette désaffection, tout au contraire.
La liberté communale est indissociable de notre histoire. Faute de le comprendre, vous allez prendre en boomerang le désarroi de nos campagnes. Et pourtant, il y aurait tant à faire…
La péréquation financière est l’urgence absolue, surtout en période de vaches maigres. Vous le savez, aujourd’hui la péréquation ne corrige que la moitié des inégalités. Il faut d’urgence augmenter les dotations pour enfin réduire des inégalités entre collectivités qui se creusent dangereusement.
L’allègement des normes est aussi urgent.
La spécialisation des impôts locaux, le statut de l’élu, les droits de l’opposition, autant de moyens de réinsuffler de la vie démocratique qui font aujourd’hui défaut et que la réforme ne prévoit pas.
Pour conclure, il n’est jamais sain de légiférer à partir d’idées-reçues, censées plaire à l’opinion mais qui ne correspondent pas à la réalité, ni à partir d’arrière-pensées politiciennes.
Je crains que les bonnes intentions de départ, la promesse de moderniser, n’aient été fortement abimées par les uns et les autres.
Au moment où notre pays traverse une crise profonde, c’est un grand tort de déstabiliser ce qui marche, ce qui rassure, ce qui panse les plaies, et ce n’est pas parce que certains (très minoritaires) ont mal géré leur collectivité, qu’il faut déresponsabiliser les autres.
En conséquence, je voterai contre ce texte.